L’écart n’a jamais été aussi serré. Dans le dernier sondage Cluster 17 pour Le Point, Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place Publique, progresse encore d’un point et talonne la tête de liste de Besoin d’Europe, Valérie Hayer. Le candidat socialiste est crédité de 14 % d’intention de vote, un point et demi seulement derrière la candidate macroniste, qui reste stable (15,5 %).

La liste de Glucksmann est la seule à connaître une progression constante depuis le mois de janvier. Sa percée se fait au détriment de Hayer, qui ne parvient pas, pour l’instant, à mobiliser le noyau dur de l’électorat d’Emmanuel Macron, mais elle se fait surtout au détriment des Écologistes. Depuis janvier, leur tête de liste, Marie Toussaint, a perdu 2,5 points et est désormais donnée à 5,5 %, frôlant dangereusement la barre des 5 % qu’il faut absolument dépasser pour envoyer des élus au Parlement européen.

Dans le détail, il est frappant d’observer que l’eurodéputé et essayiste capte une bonne partie des voix des électeurs de Yannick Jadot à la présidentielle 2022 : 47 % d’entre eux affirment qu’ils voteront pour Glucksmann, contre 21 % des électeurs d’Emmanuel Macron et 17 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon. « Le positionnement et l’image de Raphaël Glucksmann trouvent un écho auprès de cet électorat diplômé, modéré, proeuropéen et disposant d’un capital culturel et économique plus élevé que la moyenne, observe Stéphane Fournier, directeur d’études à Cluster 17. Cela menace le parti écologiste de disparition de la scène européenne. Ce serait un véritable cataclysme pour un parti proeuropéen, fédéraliste et taillé pour faire de bons scores à cette élection. »

En somme, la radicalité de Marie Toussaint et la « droitisation » de Renaissance ont laissé un espace au centre gauche pour Glucksmann. Reste à savoir s’il a atteint un plafond ou s’il peut passer, dans la dernière ligne droite, devant Valérie Hayer.

Les intentions de vote restent plutôt stables parmi les autres listes. Jordan Bardella caracole toujours en tête, à 29,5 %. La liste LFI de Manon Aubry recule de 0,5 point, mais conserve sa légère avance sur François-Xavier Bellamy, donné à 6 %, à égalité avec la tête de liste de Reconquête !, Marion Maréchal. En revanche, la part de Français qui affirment être certains d’aller voter le 9 juin est en légère hausse (48 %, + 1 par rapport à la semaine précédente).

Les électeurs d’Éric Zemmour en 2022 sont ceux qui sont le plus susceptibles d’aller voter (65 %). À l’inverse, alors que LFI mène une campagne très offensive sur Gaza, seuls 46 % des électeurs de Mélenchon en 2022 se disent certains d’aller voter dans trois semaines. La prévision de participation est, sans surprise, nettement corrélée à l’âge ; plus l’électeur est âgé, plus il a prévu d’aller voter. 60 % des électeurs âgés de plus de 75 ans sont certains d’aller voter, contre 38 % des 18-24 ans.

Méconnaissance du scrutin

Il est par ailleurs intéressant de noter que ce scrutin et ses modalités restent largement méconnus. 30 % des sondés ne savent pas donner la date exacte des élections européennes et 36 % pensent qu’il y a un second tour, alors qu’il s’agit d’une élection proportionnelle à un tour. Cela concerne les électeurs des partis eurocritiques mais aussi l’électorat des listes les plus proeuropéennes. Ainsi, 31 % des électeurs qui ont prévu de voter pour Valérie Hayer et 41 % de ceux qui ont prévu de voter pour Marie Toussaint pensent qu’il y a un second tour.

« Les Français ne comprennent pas, dans leur majorité, la spécificité de ce scrutin puisqu’ils pensent que le second tour aurait lieu le 16 ou le 23 juin, comme pour une présidentielle ou une législative », détaille Stéphane Fournier. Une majorité de sondés affirment également que les élections européennes n’auront pas d’impact sur leur vie quotidienne : 60 % estiment en effet que « les choses resteront à peu près les mêmes pour [eux] quel que soit le vainqueur de l’élection ».

La défiance des Français à l’égard des institutions européennes reste enfin élevée. 51 % des personnes interrogées dans le cadre de ce sondage plaident en faveur d’un changement radical du fonctionnement de l’UE, tandis que 3 % seulement sont satisfaits du fonctionnement actuel. 45 % des sondés estiment que l’UE coûte plus à la France qu’elle ne lui rapporte, et 30 % aimeraient que l’UE soit « respectueuse des nations qui la composent », un thème qui fait écho à « l’Europe des nations » prônée par Jordan Bardella. Les partisans d’un Frexit restent toutefois minoritaires : 26 % des sondés souhaitent que la France sorte de l’UE, quand 74 % souhaitent qu’on y reste.