C’est l’histoire d’un mec sans histoires… ou presque. À 38 ans, Matthieu Valet vient de rallier la liste du Rassemblement national pour les élections européennes qui se tiendront le 9 juin prochain. Fils d’ouvrière et d’un père qu’il n’a pas connu, élevé dans une cité populaire de Lille, ce commissaire de police et ancien chef adjoint de la brigade anticriminalité (BAC) dans le Val-de-Marne était le porte-parole du Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP) jusqu’en décembre 2023. Date à laquelle il a abandonné cette fonction « pour ne pas faire d’histoires », espérant à l’époque limiter les effets négatifs sur son syndicat de ces soupçons de ralliement à Jordan Bardella.

Quatre mois plus tard, voilà ces soupçons confirmés, malgré le fait que l’intéressé dément toujours avoir été sollicité dès fin 2023. Cet habitué des plateaux télévisés a d’ailleurs longuement réfléchi à rejoindre la liste après une proposition de Jordan Bardella il y a quelques semaines, lui qui voit son engagement au sein de la police comme une « vocation naturelle » et parle d’un « basculement de vie » du syndicalisme vers la politique. Coup politique ou choix de sécurité pour un parti qui souhaite tirer parti de sa base populaire, ce ralliement est en tout cas symptomatique du fort ancrage du RN chez les policiers : 44 % disaient vouloir voter pour Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle de 2022.À LIRE AUSSI Élections européennes : la liste de Jordan Bardella en tête des intentions de voteMatthieu Valet ne fait pas défaut à cette statistique, partageant beaucoup des combats portés par Jordan Bardella au niveau européen : le problème des mineurs non accompagnés, la « surreprésentation dans certaines villes des délinquants étrangers », la complexité de la procédure pénale… Il a pu « parler de sujets concrets » avec un responsable politique qu’il estime « dans la remise en question […], le plus à l’écoute et le plus réceptif aux réalités du terrain ».

Les parallèles avec le président du Rassemblement national sont nombreux : deux hommes relativement jeunes en politique, d’origine populaire, descendants d’immigrés venus d’Italie ou d’Espagne, élevés en majorité par leur mère, et qui prônent, selon le candidat tout juste nommé, « des valeurs de travail, d’effort, de mérite et de promotion sociale ».

Le choix du consensus

Le policier pose le constat amer d’un « métier […] de plus en plus attaqué, et verbalement et physiquement », et considère le Rassemblement national comme le « nouveau parti de droite ». S’il conserve « un respect pour Les Républicains » et se réjouit des « ponts » qui existent entre les deux partis sur les sujets sécuritaires, il admire davantage le parcours de Jordan Bardella, qui « est tout allé chercher avec les dents ». Un cheminement politique qui reflète celui de Matthieu Valet, « pur produit de la méritocratie policière » selon Frédéric Péchenard, ancien directeur de la police nationale qui l’a côtoyé alors qu’il était porte-parole du SICP.

Rallier le RN, le choix qui s’imposait ? Ce qui est certain, c’est qu’il fera consensus chez les électeurs du parti, proposant l’instauration de peines planchers, la majorité pénale à 16 ans ou encore l’examen des demandes d’asile dans les consulats et ambassades des pays d’origine, voire dans des zones sécurisées que l’Europe pourrait mettre en place.

Ce tournant politique d’un syndicaliste rompu à l’exercice médiatique et qui a « défendu les policiers et la police de toutes ses forces » n’étonne pas Frédéric Péchenard, qui se désole également des conditions de travail et de formation des policiers et des gendarmes sur le terrain. Il s’interroge toutefois sur le choix de rejoindre le RN, le « parti des problèmes et non des solutions » et dont il trouve lacunaire la politique sécuritaire à l’échelon européen.

Un Matthieu Valet quatrième sur la liste du Rassemblement national semble en fin de compte n’être qu’une étape de plus dans la stratégie de normalisation du parti. Adieu les polémiques, adieu les candidats « antisystème », adieu la diabolisation. Quitte à en devenir lisse…