Danseur, chorégraphe, directeur, producteur, et metteur en scène… Mehdi Kerkouche revêt toutes ces casquettes avec autant d’énergie que possible. L’artiste français n’hésite pas à se reconnecter à ses origines algériennes pour sublimer la danse. Portrait, la dernière création de sa compagnie, revient à La Scala à Paris jusqu’au 2 mars 2024.
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Derrière des lunettes aux montures carrées et une chemise rayée, Mehdi Kerkouche, le sourire aux lèvres, est un artiste accompli que rien n’arrête. Sa dernière création Portrait est née en janvier 2023 au festival Suresnes Cités Danse. S’ensuit le festival d’Avignon à l’été, puis les scènes de France, avant 25 représentations à La Scala à Paris dès octobre 2023. En cette pluvieuse après-midi de février, on l’y retrouve justement, alors que les représentations reprennent le soir même : « C’est une grande chance de revenir ici. La danse est souvent le dernier parent artistique des programmateurs et les occasions sont rares qu’un spectacle de danse se joue aussi longtemps dans un théâtre parisien. Sur notre petit cocon, nos habitudes aussi. Pour les danseurs, c’est génial, c’est une vie de famille qui s’installe. »
L’idée du spectacle Portrait est lieu un peu par hasard en 2021. La pièce contemporaine, composée de neuf danseuses et danseurs de style, morphologie et âge différents, dresse le tableau d’une famille et de ses enjeux du quotidien. Lors d’une séance d’improvisation en studio, Mehdi Kerkouche essaie de leur faire faire une photo de famille, inspirée par la série Downton Abbey qu’il regardait à l’époque : « J’aime bien ce côté dandy historique et les histoires de familles, se souvient-il. Comme je voulais représenter la famille, je suis allé chercher d’autres profils, dont une figure matriarcale, quelqu’un de plus âgé que les danseurs que j’ai habituellement sur le plateau. »
Aucun détail n’est laissé au hasard, y compris les lumières ou la musique, dont la bande originale est signée Lucie Antunes, « un véritable coup de cœur artistique ». Quant à l’interprétation, « elle est extrêmement importante parce que c’est ce qui fait que la chorégraphie raconte une histoireexplique avec emphase le chorégraphe. En tant que metteur en scène, je suis le garant que chaque interprète sait pourquoi chaque mouvement est fait à un moment précis, parce qu’il n’est pas fait de manière gratuite. »
Danser toujours
D’aussi loin qu’il se souvient, Mehdi a toujours dansé. Sa mère l’inscrit à son premier cours de modern’jazz à 6 ans. Il progresse très vite, mais renonce au collège faute de temps et d’argent. « Je continuais de danser chez moi en copiant tous les clips possibles et ça faisait de moi un danseur », se souvient l’homme de 37 ans.
Il vit ses jeunes années en banlieue avec ses deux frères et des parents issus de l’immigration. « Quand on est enfant, on est complètement insouciant, on est fier de ses origines. À l’adolescence, on essaie d’être comme les autres. » Étant un garçon très efféminé qui vit en banlieue, sa mère Zohra tente de le préserver en l’inscrivant dans un collège privé. Le fossé est énorme : « On n’avait pas les mêmes centres d’intérêt, pas les mêmes origines sociales. J’ai dû masquer ma féminité. Gamin, je ne voulais pas parler arabe. C’est drôle parce que lorsque je demande à mes parents pourquoi ils ne me l’ont pas appris quand j’étais petit, ils me tapent sur la tête en me disant « C’est toi qui ne voulais pas ». Et puis, il y a toute la question de l’affirmation de soi, d’assumer mon homosexualité. Il a fallu du temps. »
À 14-15 ans, sa décision est prise, il sera danseur de profession. Sa mère, pas convaincue, n’a de toute façon pas les moyens de lui payer de cours. Bille en tête, il fonce à la maison des jeunes et de la culture à côté de chez lui : « Je ne l’ai pas dit à ma mère. J’ai suivi les cours et puis je l’ai invitée au spectacle. »
Les choses continuent à se faire très naturellement, par le jazz, puis le hip-hop et le salle de danse« des approches différentes de la danse à chaque fois. Soit par la musicalité, soit par la corporalité, par les émotions, par les sensations », précise-t-il. Plusieurs professeurs le prennent sous leur aile, jusqu’à la rencontre décisive avec le chorégraphe Kamel Ouali qui le propulse sur les plateaux de télévision et les comédies musicales : « Partout où il était, j’étais. J’ai dansé pour David Guetta, Bob Sinclar, sur le plateau de la Star Academy, les comédies musicales le Roi Soleil et Cléopâtre… »
« Je me suis reconnecté à mes origines »
Il poursuit sa carrière de danseur et accompagne Christine et les reines en tournée mondiale. Mais l’envie de monter ses propres créations le démange. Depuis 2017, la compagnie EMKA prend vie. Sa première création, Dabkeh, est directement inspirée d’une danse traditionnelle arabe du même nom. « Par l’art et par mon métier, je me suis reconnecté à mes origines, en me rendant compte qu’il faut les porter avec fierté. »
Lorsqu’à l’automne 2020 troublé par le Covid-19, l’Opéra de Paris le contacte pour un projet, il accepte sans hésiter, avec « la dalle de danser là-bas ». Malgré une énorme frustration de ne pas pouvoir présenter le spectacle face à un public à cause du confinement, l’expérience est un « bonheur » car il réussit à faire un clin d’œil à sa culture algérienne : « Les danseurs avaient des tatouages berbères sur le visage, comme ma grand-mère en portrait. Ce symbole était très important pour moi. »
Mehdi Kerkouche continue d’avancer et prend la direction du Centre chorégraphique national de Créteil en janvier 2023 en succédant à Mourad Merzouki. Si la première année a été très intense, le temps d’en comprendre le fonctionnement et les enjeux, son nouveau directeur n’a pas peur de se rétrousser les manches : « C’est un super outil pour la danse et l’art chorégraphique. Il y a une vraie envie de développer mes créations, donc je vais monter tous mes projets là-bas. J’accompagne également les chorégraphes émergents pour qu’ils développent leurs projets. L’objectif, c’est de démocratiser la danse, de l’amener à tous les publics, partout et autant que possible. »
Le spectacle Portrait à la Scala de Paris jusqu’au 2 mars.
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